Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/108

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don, mon cher ange, s’écriait-il, si je n’ai pas jeté par la fenêtre et de mes propres mains ce cuistre qui ose parler de toi avec une nuance de familiarité ; mais, si j’agis avec cet excès de patience, c’est pour t’obéir ! et il ne perdra rien pour attendre !

Après une longue conversation avec le portrait, le comte, qui se sentait le cœur mort dans la poitrine, eut l’idée d’une action ridicule et s’y livra avec un empressement d’enfant. Il se fit donner un habit avec des plaques, et fut faire une visite à la vieille princesse Isota ; de la vie il ne s’était présenté chez elle qu’à l’occasion du jour de l’an. Il la trouva entourée d’une quantité de chiens, et parée de tous ses atours, et même avec des diamants, comme si elle allait à la cour. Le comte ayant témoigné quelque crainte de déranger les projets de son altesse, qui probablement allait sortir, l’altesse répondit au ministre qu’une princesse de Parme se devait à elle-même d’être toujours ainsi. Pour la première fois depuis son malheur le comte eut un mouvement de gaieté : J’ai bien fait de paraître ici, se dit-il, et dès aujourd’hui il faut faire ma déclaration. La princesse avait été ravie de voir arriver chez elle un homme aussi renommé par son esprit et un premier ministre ; la pauvre vieille fille n’était guère accoutumée à de semblables visites. Le comte commença par une préface adroite, relative à l’immense distance qui