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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/11

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sérénissime sans la remercier de toutes les bontés que depuis cinq années elle a daigné avoir pour moi. À ces mots le prince comprit enfin ; il devint pâle : c’était l’homme du monde qui souffrait le plus de se voir trompé dans ses prévisions ; puis il prit un air de grandeur tout à fait digne du portrait de Louis XIV qui était sous ses yeux. À la bonne heure, se dit la duchesse, voilà un homme !

— Et quel est le motif de ce départ subit ? dit le prince d’un ton assez ferme.

— J’avais ce projet depuis longtemps, répondit la duchesse, et une petite insulte que l’on fait à monsignor del Dongo, que demain l’on va condamner à mort ou aux galères, me fait hâter mon départ.

— Et dans quelle ville allez-vous ?

— À Naples, je pense. Elle ajouta en se levant : Il ne me reste plus qu’à prendre congé de votre altesse sérénissime et à la remercier très-humblement de ses anciennes bontés. À son tour, elle parlait d’un air si ferme que le prince vit bien que dans deux secondes tout serait fini ; l’éclat du départ ayant eu lieu, il savait que tout arrangement était impossible : elle n’était pas femme à revenir sur ses démarches. Il courut après elle.

— Mais vous savez bien, madame la duchesse, lui dit-il en lui prenant la main, que toujours je vous ai aimée, et d’une amitié à laquelle il ne tenait qu’à vous de donner un autre nom. Un