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ceur, quelle sérénité héroïque dans ces yeux qui peut-être vont se fermer ! Dieu ! quelles ne doivent pas être les angoisses de la duchesse ! aussi on la dit tout à fait au désespoir. Moi j’irais poignarder le prince, comme l’héroïque Charlotte Corday !

Pendant toute cette troisième journée de sa prison, Fabrice fut outré de colère, mais uniquement de n’avoir pas vu reparaître Clélia. Colère pour colère, j’aurais dû lui dire que je l’aimais ! s’écriait-il ; car il en était arrivé à cette découverte. Non, ce n’est point par grandeur d’âme que je ne songe pas à la prison et que je fais mentir la prophétie de Blanès : tant d’honneur ne m’appartient point. Malgré moi je songe à ce regard de douce pitié que Clélia laissa tomber sur moi lorsque les gendarmes m’emmenaient du corps-de-garde ; ce regard a effacé toute ma vie passée. Qui m’eût dit que je trouverais des yeux si doux en un tel lieu ! et au moment où j’avais les regards salis par la physionomie de Barbone et par celle de monsieur le général gouverneur ! Le Ciel parut au milieu de ces êtres vils. Et comment ne pas faire pour aimer la beauté et chercher à la revoir ? Non, ce n’est point par grandeur d’âme que je suis indifférent à toutes les petites vexations dont la prison m’accable. L’imagination de Fabrice, parcourant rapidement toutes les possibilités, arriva à celle d’être mis en liberté. Sans doute l’amitié de la duchesse