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suffisante. Mais il la suppliait de garder le secret même envers le comte, ce qui parut bizarre. Il est fou, pensa la duchesse, la prison l’a changé, il prend les choses au tragique. Le lendemain, une balle de plomb, lancée par le frondeur, apporta au prisonnier l’annonce du plus grand péril possible : la personne qui se chargeait de faire entrer les cordes, lui disait-on, lui sauvait positivement et exactement la vie. Fabrice se hâta de donner cette nouvelle à Clélia. Cette balle de plomb apportait aussi à Fabrice une vue fort exacte du mur du couchant, par lequel il devait descendre du haut de la grosse tour dans l’espace compris entre les bastions ; de ce lieu, il était assez facile ensuite de se sauver, les remparts n’ayant que vingt-trois pieds de haut et étant assez négligemment gardés. Sur le revers du plan était écrit d’une petite écriture fine un sonnet magnifique : une âme généreuse exhortait Fabrice à prendre la fuite, et à ne pas laisser avilir son âme et dépérir son corps par les onze années de captivité qu’il avait encore à subir.

Ici un détail nécessaire, et qui explique en partie le courage qu’eut la duchesse de conseiller à Fabrice une fuite si dangereuse, nous oblige d’interrompre pour un instant l’histoire de cette entreprise hardie.

Comme tous les partis qui ne sont point au pouvoir, le parti Raversi n’était pas fort uni. Le che-