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voyons errer dans les parties les plus élevées du bois, et dès que madame est partie, il ne manque pas de venir s’asseoir aux mêmes endroits où elle s’est arrêtée ; il ramasse curieusement les fleurs qui ont pu tomber de son bouquet et les conserve longtemps attachées à son mauvais chapeau.

— Et vous ne m’avez jamais parlé de ces folies ! dit la duchesse presque du ton du reproche.

— Nous craignions que madame ne le dît au ministre Mosca. Le pauvre Ferrante est si bon enfant ! ça n’a jamais fait de mal à personne, et parce qu’il aime notre Napoléon, on l’a condamné à mort.

Elle ne dit mot au ministre de cette rencontre, et comme depuis quatre ans c’était le premier secret qu’elle lui faisait, dix fois elle fut obligée de s’arrêter court au milieu d’une phrase. Elle revint à Sacca avec de l’or, Ferrante ne se montra point. Elle revint quinze jours plus tard : Ferrante, après l’avoir suivie quelque temps en gambadant dans le bois à cent pas de distance, fondit sur elle avec la rapidité de l’épervier, et se précipita à ses genoux comme la première fois.

— Où étiez-vous, il y a quinze jours ?

— Dans la montagne au delà de Novi, pour voler des muletiers qui revenaient de Milan où ils avaient vendu de l’huile.

— Acceptez cette bourse.

Ferrante ouvrit la bourse, y prit un sequin qu’il