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hé bien ! ce sera là le signal de ma vengeance. Vous verrez, si vous êtes à Parme, ou vous entendrez dire, si vous habitez les bois, que le grand réservoir du palais Sanseverina a crevé. Agissez aussitôt, mais par le poison, et surtout n’exposez votre vie que le moins possible. Que jamais personne ne sache que j’ai trempé dans cette affaire.

— Les paroles sont inutiles, répondit Ferrante avec un enthousiasme mal contenu : je suis déjà fixé sur les moyens que j’emploierai. La vie de cet homme me devient plus odieuse qu’elle n’était, puisque je n’oserai vous revoir tant qu’il vivra. J’attendrai le signal du réservoir crevé dans la rue. Il salua brusquement et partit. La duchesse le regardait marcher.

Quand il fut dans l’autre chambre, elle le rappela.

— Ferrante ! s’écria-t-elle ; homme sublime !

Il rentra, comme impatient d’être retenu ; sa figure était superbe en cet instant.

— Et vos enfants ?

— Madame, ils seront plus riches que moi ; vous leur accorderez peut-être quelque petite pension.

— Tenez, lui dit la duchesse en lui remettant une sorte de gros étui en bois d’olivier, voici tous les diamants qui me restent ; ils valent 50,000 francs.

— Ah, madame ! vous m’humiliez !… dit Fer-