Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 222 —

parler sans donner de soupçons aux observateurs de bonne compagnie. La duchesse elle-même remit à Clélia le paquet de cordes dans le jardin, où ces dames étaient allées respirer un instant. Ces cordes, fabriquées avec le plus grand soin, mi-parties de chanvre et de soie, avec des nœuds, étaient fort menues et assez flexibles ; Ludovic avait éprouvé leur solidité, et, dans toutes leurs parties, elles pouvaient porter sans se rompre un poids de huit quintaux. On les avait comprimées de façon à en former plusieurs paquets de la forme d’un volume in-quarto ; Clélia s’en empara, et promit à la duchesse que tout ce qui était humainement possible serait accompli pour faire arriver ces paquets jusqu’à la tour Farnèse.

— Mais je crains la timidité de votre caractère ; et d’ailleurs, ajouta poliment la duchesse, quel intérêt peut vous inspirer un inconnu ?

— M. del Dongo est malheureux, et je vous promets que par moi il sera sauvé !

Mais la duchesse, ne comptant que fort médiocrement sur la présence d’esprit d’une jeune personne de vingt ans, avait pris d’autres précautions dont elle se garda bien de faire part à la fille du gouverneur. Comme il était naturel de le supposer, ce gouverneur se trouvait à la fête donnée pour le mariage de la sœur du marquis Crescenzi. La duchesse se dit que, si elle lui faisait donner un fort narcotique, on pourrait croire dans le premier