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moment qu’il s’agissait d’une attaque d’apoplexie, et alors, au lieu de le placer dans sa voiture pour le ramener à la citadelle, on pourrait, avec un peu d’adresse, faire prévaloir l’avis de se servir d’une litière, qui se trouverait par hasard dans la maison où se donnait la fête. Là se rencontreraient aussi des hommes intelligents, vêtus en ouvriers employés pour la fête, et qui, dans le trouble général, s’offriraient obligeamment pour transporter le malade jusqu’à son palais, si élevé. Ces hommes, dirigés par Ludovic, portaient une assez grande quantité de cordes, adroitement cachées sous leurs habits. On voit que la duchesse avait réellement l’esprit égaré depuis qu’elle songeait sérieusement à la fuite de Fabrice. Le péril de cet être chéri était trop fort pour son âme, et surtout durait trop longtemps. Par excès de précautions, elle faillit faire manquer cette fuite, ainsi qu’on va le voir. Tout s’exécuta comme elle l’avait projeté, avec cette seule différence que le narcotique produisit un effet trop puissant ; tout le monde crut, et même les gens de l’art, que le général avait une attaque d’apoplexie.

Par bonheur, Clélia, au désespoir, ne se douta en aucune façon de la tentative si criminelle de la duchesse. Le désordre fut tel au moment de l’entrée à la citadelle de la litière où le général, à demi mort, était enfermé, que Ludovic et ses gens passèrent sans objection ; il ne furent fouillés que