Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 225 —

— Mademoiselle a tort de s’alarmer, répondit Ludovic avec une grâce et une politesse parfaites ; il ne s’agit nullement de poison ; on a eu l’imprudence d’administrer au général une dose de laudanum, et il parait que le domestique chargé de ce crime a mis dans le verre quelques gouttes de trop ; nous en aurons un remords éternel ; mais mademoiselle peut croire que, grâce au Ciel, il n’existe aucune sorte de danger : M. le gouverneur doit être traité pour avoir pris, par erreur, une trop forte dose de laudanum ; mais, j’ai l’honneur de le répéter à mademoiselle, le laquais chargé du crime ne faisait point usage de poisons véritables, comme Barbone, lorsqu’il voulut empoisonner monseigneur Fabrice. On n’a point prétendu se venger du péril qu’a couru monseigneur Fabrice ; on n’a confié à ce laquais maladroit qu’une fiole où il y avait du laudanum, j’en fais serment à mademoiselle ! Mais il est bien entendu que si j’étais interrogé officiellement, je nierais tout.

D’ailleurs, si mademoiselle parle à qui que ce soit de laudanum et de poison, fût-ce à l’excellent don Cesare, Fabrice est tué de la main de mademoiselle. Elle rend à jamais impossible tous les projets de fuite ; et mademoiselle sait mieux que moi que ce n’est pas avec du simple laudanum que l’on veut empoisonner monseigneur ; elle sait aussi que quelqu’un n’a accordé qu’un mois de délai pour ce crime, et qu’il y a déjà plus d’une