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pour la forme au pont de l’Esclave. Quand ils eurent transporté le général jusqu’à son lit, on les conduisit à l’office, où les domestiques les traitèrent fort bien ; mais après ce repas, qui ne finit que fort près du matin, on leur expliqua que l’usage de la prison exigeait que, pour le reste de la nuit, ils fussent enfermés à clef dans les salles basses du palais ; le lendemain au jour ils seraient mis en liberté par le lieutenant du gouverneur.

Ces hommes avaient trouvé le moyen de remettre à Ludovic les cordes dont ils s’étaient chargés, mais Ludovic eut beaucoup de peine à obtenir un instant d’attention de Clélia. À la fin, dans un moment où elle passait d’une chambre à une autre, il lui fit voir qu’il déposait des paquets de cordes dans l’angle obscur d’un des salons du premier étage. Clélia fut profondément frappée de cette circonstance étrange : aussitôt elle conçut d’atroces soupçons.

— Qui êtes-vous ? dit-elle à Ludovic.

Et, sur la réponse fort ambiguë de celui-ci, elle ajouta :

— Je devrais vous faire arrêter ; vous ou les vôtres, vous avez empoisonné mon père !… Avouez à l’instant quelle est la nature du poison dont vous avez fait usage, afin que le médecin de la citadelle puisse administrer les remèdes convenables ; avouez à l’instant, ou bien, vous et vos complices, jamais vous ne sortirez de cette citadelle !