Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/243

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teur. Il agissait mécaniquement, dit-il, et comme il eût fait en plein jour, descendant devant des amis, pour gagner un pari. Vers le milieu de la hauteur, il sentit tout à coup ses bras perdre leur force ; il croit même qu’il lâcha la corde un instant ; mais bientôt il la reprit ; peut-être, dit-il, il se retint aux broussailles sur lesquelles il glissait et qui l’écorchaient. Il éprouvait de temps à autre une douleur atroce entre les épaules ; elle allait jusqu’à lui ôter la respiration. Il y avait un mouvement d’ondulation fort incommode ; il était renvoyé sans cesse de la corde aux broussailles. Il fut touché par plusieurs oiseaux assez gros qu’il réveillait et qui se jetaient sur lui en s’envolant. Les premières fois il crut être atteint par des gens descendant de la citadelle par la même voie que lui pour le poursuivre, et il s’apprêtait à se défendre. Enfin il arriva au bas de la grosse tour sans autre inconvénient que d’avoir les mains en sang. Il raconte que, depuis le milieu de la tour, le talus qu’elle forme lui fut fort utile ; il frottait le mur en descendant, et les plantes qui croissaient entre les pierres le retenaient beaucoup. En arrivant en bas dans les jardins des soldats, il tomba sur un acacia qui, vu d’en haut, lui semblait avoir quatre ou cinq pieds de hauteur, et qui en avait réellement quinze ou vingt. Un ivrogne qui se trouvait là endormi le prit pour un voleur. En tombant de cet arbre, Fabrice se démit presque le bras gauche.