Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/244

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Il se mit à fuir vers le rempart, mais, à ce qu’il dit, ses jambes lui semblaient comme du coton ; il n’avait plus aucune force. Malgré le péril, il s’assit et but un peu d’eau-de-vie qui lui restait. Il s’endormit quelques minutes, au point de ne plus savoir où il était ; en se réveillant il ne pouvait comprendre comment, se trouvant dans sa chambre, il voyait des arbres. Enfin la terrible vérité revint à sa mémoire. Aussitôt il marcha vers le rempart ; il y monta par un grand escalier. La sentinelle, qui était placée tout près, ronflait dans sa guérite. Il trouva une pièce de canon gisant dans l’herbe : il y attacha sa troisième corde ; elle se trouva un peu trop courte, et il tomba dans un fossé bourbeux où il pouvait y avoir un pied d’eau. Pendant qu’il se relevait et cherchait à se reconnaître, il se sentit saisi par deux hommes : il eut peur un instant ; mais bientôt il entendit prononcer près de son oreille et à voix très-basse : Ah ! monsignor ! monsignor ! Il comprit vaguement que ces hommes appartenaient à la duchesse ; aussitôt il s’évanouit profondément. Quelque temps après, il sentit qu’il était porté par des hommes qui marchaient en silence et fort vite : puis on s’arrêta, ce qui lui donna beaucoup d’inquiétude. Mais il n’avait ni la force de parler ni celle d’ouvrir les yeux ; il sentait qu’on le serrait ; tout à coup il reconnut le parfum des vêtements de la duchesse. Ce parfum le ranima : il ouvrit les yeux ; il put pro-