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Fabrice ; elle le serrait convulsivement dans ses bras, puis fut au désespoir en se voyant couverte de sang : c’était celui des mains de Fabrice ; elle le crut dangereusement blessé. Aidée d’un de ses gens, elle lui ôtait son habit pour le panser, lorsque Ludovic, qui, par bonheur, se trouvait là, mit d’autorité la duchesse et Fabrice dans une des petites voitures qui étaient cachées dans un jardin près de la porte de la ville, et l’on partit ventre à terre pour aller passer le Pô près de Sacca. Ferrante, avec vingt hommes bien armés, faisait l’arrière-garde, et avait promis sur sa tête d’arrêter la poursuite. Le comte, seul et à pied, ne quitta les environs de la citadelle que deux heures plus tard, quand il vit que rien ne bougeait. Me voici en haute trahison ! se disait-il ivre de joie.

Ludovic eut l’idée excellente de placer dans une voiture un jeune chirurgien attaché à la maison de la duchesse, et qui avait beaucoup de la tournure de Fabrice.

— Prenez la fuite, lui dit-il, du côté de Bologne ; soyez fort maladroit, tâchez de vous faire arrêter ; alors coupez-vous dans vos réponses, et enfin avouez que vous êtes Fabrice del Dongo ; surtout gagnez du temps. Mettez de l’adresse à être maladroit, vous en serez quitte pour un mois de prison, et madame vous donnera 50 sequins.

— Est-ce qu’on songe à l’argent quand on sert madame ?