Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/245

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noncer les mots : Ah ! chère amie ! puis il s’évanouit de nouveau profondément.

Le fidèle Bruno, avec une escouade de gens de police dévoués au comte, était en réserve à deux cents pas ; le comte lui-même était caché dans une petite maison tout près du lieu où la duchesse attendait. Il n’eût pas hésité, s’il l’eût fallu, à mettre l’épée à la main avec quelques officiers à demi-solde, ses amis intimes ; il se regardait comme obligé de sauver la vie à Fabrice, qui lui semblait grandement exposé, et qui jadis eût eu sa grâce signée du prince, si lui Mosca n’eût eu la sottise de vouloir éviter une sottise écrite au souverain.

Depuis minuit la duchesse, entourée d’hommes armés jusqu’aux dents, errait dans un profond silence devant les remparts de la citadelle ; elle ne pouvait rester en place, elle pensait qu’elle aurait à combattre pour enlever Fabrice à des gens qui le poursuivraient. Cette imagination ardente avait pris cent précautions, trop longues à détailler ici, et d’une imprudence incroyable. On a calculé que plus de quatre-vingts agents étaient sur pied cette nuit-là, s’attendant à se battre pour quelque chose d’extraordinaire. Par bonheur, Ferrante et Ludovic étaient à la tête de tout cela, et le ministre de la police n’était pas hostile ; mais le comte lui-même remarqua que la duchesse ne fut trahie par personne, et qu’il ne sut rien comme ministre.

La duchesse perdit la tête absolument en revoyant