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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/250

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de rendre, que je crois en conscience ne pas pouvoir garder sa terre de la Ricciarda. J’ai l’honneur de rendre cette terre à madame, et de la prier de m’accorder une pension de quatre cents francs.

— Combien de fois en votre vie, lui dit-elle avec la hauteur la plus sombre, combien de fois avez-vous ouï dire que j’avais déserté un projet une fois énoncé par moi ?

Après cette phrase, la duchesse se promena encore durant quelques minutes ; puis, s’arrêtant tout à coup, elle s’écria :

— C’est par hasard et parce qu’il a su plaire à cette petite fille que la vie de Fabrice a été sauvée ! S’il n’avait été aimable, il mourait. Est-ce que vous pourrez me nier cela ? dit-elle en marchant sur Ludovic avec des yeux où éclatait la plus sombre fureur. Ludovic recula de quelques pas et la crut folle, ce qui lui donna de vives inquiétudes pour la propriété de sa terre de la Ricciarda.

— Eh bien ! reprit la duchesse du ton le plus doux et le plus gai, et changée du tout au tout, je veux que mes bons habitants de Sacca aient une journée folle et de laquelle ils se souviennent longtemps. Vous allez retourner à Sacca ; avez-vous quelque objection ? Pensez-vous courir quelques dangers ?

— Peu de chose, madame : aucun des habitants de Sacca ne dira jamais que j’étais de la suite de monsignor Fabrice. D’ailleurs, si j’ose le dire