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à madame, je brûle de voir ma terre de la Ricciarda : il me semble si drôle d’être propriétaire !

— Ta gaieté me plaît. Le fermier de la Ricciarda me doit, je pense, trois ou quatre ans de son fermage : je lui fais cadeau de la moitié de ce qu’il me doit, et l’autre moitié de tous ces arrérages, je te la donne, mais à cette condition : tu vas aller à Sacca, tu diras qu’après-demain est le jour de la fête d’une de mes patronnes, et, le soir qui suivra ton arrivée, tu feras illuminer mon château de la façon la plus splendide. N’épargne ni argent ni peine : songe qu’il s’agit du plus grand bonheur de ma vie. De longue main j’ai préparé cette illumination ; depuis plus de trois mois j’ai réuni dans les caves du château tout ce qui peut servir à cette noble fête ; j’ai donné en dépôt au jardinier toutes les pièces d’artifice nécessaires pour un feu magnifique : tu le feras tirer sur la terrasse qui regarde le Pô. J’ai quatre-vingt-neuf tonneaux de vin dans mes caves, tu feras établir quatre-vingt-neuf fontaines de vin dans mon parc. Si le lendemain il reste une bouteille de vin qui ne soit pas bue, je dirai que tu n’aimes pas Fabrice. Quand les fontaines de vin, l’illumination et le feu d’artifice seront bien en train, tu t’esquiveras prudemment, car il est possible, et c’est mon espoir, qu’à Parme toutes ces belles choses-là paraissent une insolence.

— C’est ce qui n’est pas possible seulement,