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Ludovic riant comme un fou : du vin aux braves gens de Sacca, de l’eau aux bourgeois de Parme qui étaient si sûrs, les misérables, que monsignor Fabrice allait être empoisonné comme le pauvre L…

La joie de Ludovic n’en finissait point ; la duchesse regardait avec complaisance ses rires fous ; il répétait sans cesse : Du vin aux gens de Sacca et de l’eau à ceux de Parme ! Madame sait sans doute mieux que moi que lorsqu’on vida imprudemment le réservoir, il y a une vingtaine d’années, il y eut jusqu’à un pied d’eau dans plusieurs des rues de Parme.

— Et de l’eau aux gens de Parme, répliqua la duchesse en riant. La promenade devant la citadelle eût été remplie de monde si l’on eût coupé le cou à Fabrice… Tout le monde l’appelle le grand coupable… Mais, surtout, fais cela avec adresse, que jamais personne vivante ne sache que cette inondation a été faite par toi, ni ordonnée par moi. Fabrice, le comte lui-même, doivent ignorer cette folle plaisanterie. Mais j’oubliais les pauvres de Sacca ; va-t’en écrire une lettre à mon homme d’affaires, que je signerai ; tu lui diras que pour la fête de ma sainte patronne il distribue cent sequins aux pauvres de Sacca et qu’il t’obéisse en tout pour l’illumination, le feu d’artifice et le vin ; que le lendemain surtout il ne reste pas une bouteille pleine dans mes caves.

— L’homme d’affaires de madame ne se trou-