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vera embarrassé qu’en un point : depuis cinq ans que madame a le château, elle n’a pas laissé dix pauvres dans Sacca.

Et de l’eau pour les gens de Parme ! reprit la duchesse en chantant. Comment exécuteras-tu cette plaisanterie ?

— Mon plan est tout fait : je pars de Sacca sur les neuf heures, à dix et demie mon cheval est à l’auberge des Trois-Ganaches, sur la route de Casal Maggiore et de ma terre de la Ricciarda ; à onze heures je suis dans ma chambre au palais, et à onze heures et un quart de l’eau pour les gens de Parme, et plus qu’ils n’en voudront, pour boire à la santé du grand coupable. Dix minutes plus tard, je sors de la ville par la route de Bologne. Je fais, en passant, un profond salut à la citadelle, que le courage de monsignor et l’esprit de madame viennent de déshonorer ; je prends un sentier dans la campagne, de moi bien connu, et je fais mon entrée à la Ricciarda.

Ludovic leva les yeux sur la duchesse et fut effrayé : elle regardait fixement la muraille nue à six pas d’elle, et, il faut en convenir, son regard était atroce. Ah ! ma pauvre terre ! pensa Ludovic ; le fait est qu’elle est folle ! La duchesse le regarda et devina sa pensée.

— Ah ! monsieur Ludovic le grand poëte, vous voulez une donation par écrit : courez me chercher une feuille de papier. Ludovic ne se fit pas répéter