Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 260 —

certitude relativement à la disgrâce du général Fabio Conti, réellement malade, que Clélia eut le courage d’exécuter le sacrifice qu’elle avait annoncé à Fabrice. Elle avait eu l’esprit d’être malade le jour des réjouissances générales, qui fut aussi celui de la fuite du prisonnier, comme le lecteur s’en souvient peut-être ; elle fut malade aussi le lendemain, et, en un mot, sut si bien se conduire, qu’à l’exception du geôlier Grillo, chargé spécialement de la garde de Fabrice, personne n’eut de soupçons sur sa complicité, et Grillo se tut.

Mais aussitôt que Clélia n’eut plus d’inquiétudes de ce côté, elle fut plus cruellement agitée encore par ses justes remords. Quelle raison au monde, se disait-elle, peut diminuer le crime d’une fille qui trahit son père ?

Un soir, après une journée passée presque tout entière à la chapelle et dans les larmes, elle pria son oncle, don Cesare, de l’accompagner chez le général, dont les accès de fureur l’effrayaient d’autant plus, qu’à tout propos il y mêlait des imprécations contre Fabrice, cet abominable traître.

Arrivée en présence de son père, elle eut le courage de lui dire que si toujours elle avait refusé de donner la main au marquis Crescenzi, c’est qu’elle ne sentait aucune inclination pour lui, et qu’elle était assurée de ne point trouver le bonheur dans cette union. À ces mots, le général entra en