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fureur ; et Clélia eut assez de peine à reprendre la parole. Elle ajouta que si son père, séduit par la grande fortune du marquis, croyait devoir lui donner l’ordre précis de l’épouser, elle était prête à obéir. Le général fut tout étonné de cette conclusion, à laquelle il était loin de s’attendre ; il finit pourtant par s’en réjouir. Ainsi, dit-il à son frère, je ne serai pas réduit à loger dans un second étage, si ce polisson de Fabrice me fait perdre ma place par son mauvais procédé.

Le comte Mosca ne manquait pas de se montrer profondément scandalisé de l’évasion de ce mauvais sujet de Fabrice, et répétait dans l’occasion la phrase inventée par Rassi sur le plat procédé de ce jeune homme, fort vulgaire d’ailleurs, qui s’était soustrait à la clémence du prince. Cette phrase spirituelle, consacrée par la bonne compagnie, ne prit point dans le peuple. Laissé à son bon sens, et tout en croyant Fabrice fort coupable, il admirait la résolution qu’il avait fallu pour se lancer d’un mur si haut. Pas un être de la cour n’admira ce courage. Quant à la police, fort humiliée de cet échec, elle avait découvert officiellement qu’une troupe de vingt soldats gagnés par les distributions d’argent de la duchesse, cette femme si atrocement ingrate, et dont on ne prononçait plus le nom qu’avec un soupir, avaient tendu à Fabrice quatre échelles liées ensemble, et de quarante-cinq pieds de longueur chacune : Fabrice ayant tendu une