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tes, au comte, qui vous déteste toujours et que j’aime surtout à cause de ces sentiments. L’archevêque aussi vous est resté fidèle. Nous espérons tous vous revoir un jour : rappelez-vous qu’il le faut. La marquise Ghisleri, ma grande-maîtresse, se dispose à quitter ce monde pour un meilleur : la pauvre femme m’a fait bien du mal ; elle me déplaît encore en s’en allant mal à propos ; sa maladie me fait penser au nom que j’eusse mis autrefois avec tant de plaisir à la place du sien, si toutefois j’eusse pu obtenir ce sacrifice de l’indépendance de cette femme unique qui, en nous fuyant, a emporté avec elle toute la joie de ma petite cour, etc., etc. »


C’était donc avec la conscience d’avoir cherché à hâter, autant qu’il était en elle, le mariage qui mettait Fabrice au désespoir, que la duchesse le voyait tous les jours. Aussi passaient-ils quelquefois quatre ou cinq heures à voguer ensemble sur le lac, sans se dire un seul mot. La bienveillance était entière et parfaite du côté de Fabrice ; mais il pensait à d’autres choses, et son âme naïve et simple ne lui fournissait rien à dire. La duchesse le voyait, et c’était son supplice.

Nous avons oublié de raconter en son lieu que la duchesse avait pris une maison à Belgirate, village charmant, et qui tient tout ce que son nom promet (voir un beau tournant du lac). De la porte-