Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/280

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jeunesse ! Maintenant je ne trouverai plus que des jouissances de vanité ; et cela vaut-il la peine de vivre ? Raison de plus pour aller à Parme, et pour m’amuser. Si les choses tournaient d’une certaine façon, on m’ôterait la vie. Eh bien ! où est le mal ? Je ferai une mort magnifique, et, avant que de finir, mais seulement alors, je dirai à Fabrice : Ingrat ! c’est pour toi !… Oui, je ne puis trouver d’occupation pour ce peu de vie qui me reste qu’à Parme ; j’y ferai la grande dame. Quel bonheur si je pouvais être sensible maintenant à toutes ces distinctions qui autrefois faisaient le malheur de la Raversi ! Alors, pour voir mon bonheur, j’avais besoin de regarder dans les yeux de l’envie… Ma vanité a un bonheur : à l’exception du comte peut-être, personne n’aura pu deviner quel a été l’événement qui a mis fin à mon cœur… J’aimerai Fabrice, je serai dévouée à sa fortune ; mais il ne faut pas qu’il rompe le mariage de Clélia, et qu’il finisse par l’épouser… Non, cela ne sera pas !

La duchesse en était là de son triste monologue, lorsqu’elle entendit un grand bruit dans la maison.

— Bon ! se dit-elle, voilà qu’on vient m’arrêter ; Ferrante se sera laissé prendre, il aura parlé. Eh bien, tant mieux ! je vais avoir une occupation ; je vais leur disputer ma tête. Mais primo, il ne faut pas se laisser prendre.