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que pour plus d’une raison nous voudrions taire ; mais nous sommes forcé d’en venir à des événements qui sont de notre domaine, puisqu’ils ont pour théâtre le cœur des personnages.

— Mais, grand Dieu ! comment est mort ce grand prince ? dit la duchesse à Bruno.

— Il était à la chasse des oiseaux de passage, dans les marais, le long du Pô, à deux lieues de Sacca. Il est tombé dans un trou caché par une touffe d’herbe : il était tout en sueur, et le froid l’a saisi ; on l’a transporté dans une maison isolée, où il est mort au bout de quelques heures. D’autres prétendent que MM. Catena et Borone sont morts aussi, et que tout l’accident provient des casseroles de cuivre du paysan chez lequel on est entré, qui étaient remplies de vert-de-gris. On a déjeuné chez cet homme. Enfin, les têtes exaltées, les jacobins, qui racontent ce qu’ils désirent, parlent de poison. Je sais que mon ami Toto, fourrier de la cour, aurait péri sans les soins généreux d’un manant qui paraissait avoir de grandes connaissances en médecine, et lui a fait faire des remèdes fort singuliers. Mais on ne parle déjà plus de cette mort du prince : au fait, c’était un homme cruel. Lorsque je suis parti, le peuple se rassemblait pour massacrer le fiscal général Rassi : on voulait aussi aller mettre le feu aux portes de la citadelle, pour tâcher de faire sauver les prisonniers. Mais on prétendait que Fabio Conti tirerait