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ses canons. D’autres assuraient que les canonniers de la citadelle avaient jeté de l’eau sur leur poudre et ne voulaient pas massacrer leurs concitoyens. Mais voici qui est bien plus intéressant : tandis que le chirurgien de Sandolaro arrangeait mon pauvre bras, un homme est arrivé de Parme, qui a dit que le peuple ayant trouvé dans les rues Barbone, ce fameux commis de la citadelle, l’a assommé, et ensuite on est allé le pendre à l’arbre de la promenade qui est le plus voisin de la citadelle. Le peuple était en marche pour aller briser cette belle statue du prince qui est dans les jardins de la cour. Mais M. le comte a pris un bataillon de la garde, l’a rangé devant la statue, et a fait dire au peuple qu’aucun de ceux qui entreraient dans les jardins n’en sortirait vivant, et le peuple avait peur. Mais ce qui est bien singulier, et que cet homme arrivant de Parme, et qui est un ancien gendarme, m’a répété plusieurs fois, c’est que M. le comte a donné des coups de pied au général P., commandant la garde du prince, et l’a fait conduire hors du jardin par deux fusiliers, après lui avoir arraché ses épaulettes.

— Je reconnais bien là le comte ! s’écria la duchesse avec un transport de joie qu’elle n’eût pas prévu une minute auparavant : il ne souffrira jamais qu’on outrage notre princesse ; et quant au général P., par dévouement pour ses maîtres légitimes, il n’a jamais voulu servir l’usurpateur,