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ports par écrit, comme je le pratiquais avec le feu prince, après la prison de Fabrice. À propos, je n’ai point fait des papillotes avec la sentence signée contre lui, par la grande raison que ce coquin de Rassi ne me l’a point remise. Vous avez donc fort bien fait d’empêcher Fabrice d’arriver ici officiellement. La sentence est toujours exécutoire ; je ne crois pas pourtant que le Rassi osât faire arrêter notre neveu aujourd’hui, mais il est possible qu’il l’ose dans quinze jours. Si Fabrice veut absolument rentrer en ville, qu’il vienne loger chez moi.

— Mais la cause de tout ceci ? s’écria la duchesse étonnée.

— On a persuadé au prince que je me donne des airs de dictateur et de sauveur de la patrie, et que je veux le mener comme un enfant ; qui plus est, en parlant de lui, j’aurais prononcé le mot fatal : cet enfant. Le fait peut être vrai, j’étais exalté ce jour-là : par exemple, je le voyais un grand homme, parce qu’il n’avait point trop de peur au milieu des premiers coups de fusil qu’il entendît de sa vie. Il ne manque point d’esprit, il a même un meilleur ton que son père ; enfin, je ne saurais trop le répéter, le fond du cœur est honnête et bon ; mais ce cœur sincère et jeune se crispe quand on lui raconte un tour de fripon et croit qu’il faut avoir l’âme bien noire soi-même pour apercevoir de telles choses : songez à l’éducation qu’il a reçue !…