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maintenant il était de bon ton de nier l’existence, on avait distribué de l’argent au peuple. Rassi partit de là : plus mal mis encore que de coutume, il monta dans les maisons les plus misérables de la ville, et passa des heures entières en conversation réglée avec leurs pauvres habitants. Il fut bien récompensé de tant de soins : après quinze jours de ce genre de vie, il eut la certitude que Ferrante Palla avait été le chef secret de l’insurrection, et bien plus, que cet être, pauvre toute sa vie comme un grand poëte, avait fait vendre huit ou dix diamants à Gênes.

On citait entre autres cinq pierres de prix qui valaient réellement plus de 40,000 francs, et que, dix jours avant la mort du prince, on avait laissées pour 35,000 francs, parce que, disait-on, on avait besoin d’argent.

Comment peindre les transports de joie du ministre de la justice à cette découverte ? Il s’apercevait que tous les jours on lui donnait des ridicules à la cour de la princesse douairière, et plusieurs fois le prince, parlant d’affaires avec lui, lui avait ri au nez avec toute la naïveté de la jeunesse. Il faut avouer que le Rassi avait des habitudes singulièrement plébéiennes : par exemple, dès qu’une discussion l’intéressait, il croisait les jambes et prenait son soulier dans la main ; si l’intérêt croissait, il étalait son mouchoir de coton rouge sur sa jambe, etc., etc. Le prince avait