Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 298 —

— Allez-vous-en donc gouverner ; je parie qu’il y a sur votre bureau plus de vingt rapports qui attendent un oui ou un non, et je ne veux pas que l’Europe m’accuse de faire de vous un roi fainéant pour régner à votre place.

Ces avis avaient le désavantage de se présenter toujours dans les moments les plus inopportuns, c’est-à-dire quand son altesse, ayant vaincu sa timidité, prenait part à quelque charade en action qui l’amusait fort. Deux fois la semaine il y avait des parties de campagne où, sous prétexte de conquérir au nouveau souverain l’affection de son peuple, la princesse admettait les plus jolies femmes de la bourgeoisie. La duchesse, qui était l’âme de cette cour joyeuse, espérait que ces belles bourgeoises, qui toutes voyaient avec une envie mortelle la haute fortune du bourgeois Rassi, raconteraient au prince quelqu’une des friponneries sans nombre de ce ministre. Or, entre autres idées enfantines, le prince prétendait avoir un ministère moral.

Rassi avait trop de sens pour ne pas sentir combien ces soirées brillantes de la cour de la princesse, dirigées par son ennemie, étaient dangereuses pour lui. Il n’avait pas voulu remettre au comte Mosca la sentence fort légale rendue contre Fabrice ; il fallait donc que la duchesse ou lui disparussent de la cour.

Le jour de ce mouvement populaire, dont