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ments de son veuvage, alla passer ces huit jours dans un couvent attenant à l’église où le feu prince était inhumé. Cette interruption de soirées jeta sur les bras du prince une masse énorme de loisir, et porta un échec notable au crédit du ministre de la justice. Ernest V comprit tout l’ennui qui le menaçait si la duchesse quittait la cour, ou seulement cessait d’y répandre la joie. Les soirées recommencèrent et le prince se montra de plus en plus intéressé par les comédies dell’arte. Il avait le projet de prendre un rôle, mais n’osait avouer cette ambition. Un jour, rougissant beaucoup, il dit à la duchesse : Pourquoi ne jouerais-je pas, moi aussi ?

— Nous sommes tous ici aux ordres de votre altesse ; si elle daigne m’en donner l’ordre, je ferai arranger le plan d’une comédie, toutes les scènes brillantes du rôle de votre altesse seront avec moi, et comme les premiers jours tout le monde hésite un peu, si votre altesse veut me regarder avec quelque attention, je lui dirai les réponses qu’elle doit faire. Tout fut arrangé et avec une adresse infinie. Le prince, fort timide, avait honte d’être timide ; les soins que se donna la duchesse pour ne pas faire souffrir cette timidité innée firent une impression profonde sur le jeune souverain.

Le jour de son début, le spectacle commença une demi-heure plus tôt qu’à l’ordinaire, et il n’y avait dans le salon, au moment où l’on passa dans la salle du spectacle, que huit ou dix femmes âgées.