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bout d’une heure le prince lui-même se présenta à la porte du cabinet et appela la duchesse ; la princesse était en larmes, son fils avait une physionomie tout altérée.

Voici des gens faibles qui ont de l’humeur, se dit la grande-maîtresse, et qui cherchent un prétexte pour se fâcher contre quelqu’un. D’abord la mère et le fils se disputèrent la parole pour raconter les détails à la duchesse, qui dans ses réponses eut grand soin de ne mettre en avant aucune idée. Pendant deux mortelles heures les trois acteurs de cette scène ennuyeuse ne sortirent pas des rôles que nous venons d’indiquer. Le prince alla chercher lui-même les deux énormes portefeuilles que Rassi avait déposés sur son bureau ; en sortant du grand cabinet de sa mère, il trouva toute la cour qui attendait. — Allez-vous-en, laissez-moi tranquille ! s’écria-t-il, d’un ton fort impoli et qu’on ne lui avait jamais vu. Le prince ne voulait pas être aperçu portant lui-même les deux portefeuilles : un prince ne doit rien porter. Les courtisans disparurent en un clin d’œil. En repassant le prince ne trouva plus que les valets de chambre qui éteignaient les bougies ; il les renvoya avec fureur, ainsi que le pauvre Fontana, aide de camp de service, qui avait eu la gaucherie de rester, par zèle.

— Tout le monde prend à tâche de m’impatienter ce soir, dit-il avec humeur à la duchesse,