Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 310 —

comme il rentrait dans le cabinet ; il lui croyait beaucoup d’esprit et il était furieux de ce qu’elle s’obstinait évidemment à ne pas ouvrir un avis. Elle, de son côté, était résolue à ne rien dire qu’autant qu’on lui demanderait son avis bien expressément. Il s’écoula encore une grosse demi-heure avant que le prince, qui avait le sentiment de sa dignité, se déterminât à lui dire : — Mais, madame, vous ne dites rien.

— Je suis ici pour servir la princesse, et oublier bien vite ce qu’on dit devant moi.

— Eh bien ! madame, dit le prince en rougissant beaucoup, je vous ordonne de me donner votre avis.

— On punit les crimes pour empêcher qu’ils ne se renouvellent. Le feu prince a-t-il été empoisonné ? c’est ce qui est fort douteux ; a-t-il été empoisonné par les jacobins ? c’est ce que Rassi voudrait bien prouver, car alors il devient pour votre altesse un instrument nécessaire à tout jamais. Dans ce cas votre altesse, qui commence son règne, peut se promettre bien des soirées comme celle-ci. Vos sujets disent généralement, ce qui est de toute vérité, que votre altesse a de la bonté dans le caractère ; tant qu’elle n’aura pas fait pendre quelque libéral, elle jouira de cette réputation, et bien certainement personne ne songera à lui préparer du poison.

— Votre conclusion est évidente, s’écria la prin-