Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 313 —



Mais on le laissait dire : et les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps
Que n’en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.

Petits princes, videz vos débats entre vous ;
De recourir aux rois vous seriez de grands fous.
Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,
Ni les faire entrer sur vos terres.

Cette lecture fut suivie d’un long silence. Le prince se promenait dans le cabinet, après être allé lui-même remettre le volume à sa place.

— Eh bien, madame, dit la princesse, daignerez-vous parler ?

— Non pas, certes, madame ! tant que son altesse ne m’aura pas nommée ministre ; en parlant ici, je courrais risque de perdre ma place de grande-maîtresse.

Nouveau silence d’un gros quart d’heure ; enfin la princesse songea au rôle que joua Marie de Médicis, mère de Louis XIII : tous les jours précédents, la grande-maîtresse avait fait lire par la lectrice l’excellente Histoire de Louis XII, de M. Bazin. La princesse, quoique fort piquée, pensa que la duchesse pourrait fort bien quitter le pays, et alors Rassi, qui lui faisait une peur affreuse, pourrait bien imiter Richelieu et la faire exiler par son fils. Dans ce moment la princesse eût donné tout au monde pour humilier sa grande-maîtresse ; mais elle ne pouvait : elle se leva, et vint, avec un