Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 314 —

sourire un peu exagéré, prendre la main de la duchesse et lui dire :

— Allons, madame, prouvez-moi votre amitié en parlant.

— Eh bien ! deux mots sans plus : brûler, dans la cheminée que voilà, tous les papiers réunis par cette vipère de Rassi, et ne jamais lui avouer qu’on les a brûlés.

Elle ajouta tout bas, et d’un air familier, à l’oreille de la princesse :

— Rassi peut être Richelieu !

— Mais, diable ! ces papiers me coûtent plus de 80,000 francs ! s’écria le prince fâché.

— Mon prince, répliqua la duchesse avec énergie, voilà ce qu’il en coûte d’employer des scélérats de basse naissance. Plût à Dieu que vous pussiez perdre un million, et ne jamais prêter créance aux bas coquins qui ont empêché votre père de dormir pendant les dernières années de son règne !

Le mot basse naissance avait plu extrêmement à la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour l’esprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme.

Durant le court moment de profond silence, rempli par les réflexions de la princesse, l’horloge du château sonna trois heures. La princesse se leva, fit une profonde révérence à son fils, et lui dit : Ma santé ne me permet pas de prolonger davantage la discussion. Jamais de ministre de