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basse naissance ; vous ne m’ôterez pas de l’idée que votre Rassi vous a volé la moitié de l’argent qu’il vous a fait dépenser en espionnage. La princesse prit deux bougies dans les flambeaux et les plaça dans la cheminée, de façon à ne pas les éteindre ; puis, s’approchant de son fils, elle ajouta : — La fable de La Fontaine l’emporte, dans mon esprit, sur le juste désir de venger un époux. Votre altesse veut-elle me permettre de brûler ces écritures ? Le prince restait immobile.

— Sa physionomie est vraiment stupide, se dit la duchesse ; le comte a raison : le feu prince ne nous eût pas fait veiller jusqu’à trois heures du matin avant de prendre un parti.

La princesse, toujours debout, ajouta :

— Ce petit procureur serait bien fier, s’il savait que ses paperasses, remplies de mensonges, et arrangées pour procurer son avancement, ont fait passer la nuit aux deux plus grands personnages de l’État.

Le prince se jeta sur un des portefeuilles comme un furieux, et en vida tout le contenu dans la cheminée. La masse des papiers fut sur le point d’étouffer les deux bougies ; l’appartement se remplit de fumée. La princesse vit dans les yeux de son fils qu’il était tenté de saisir une carafe et de sauver ces papiers, qui lui coûtaient quatre-vingt mille francs.

— Ouvrez donc la fenêtre ! cria-t-elle à la du-