Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/339

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 335 —

grand bruit dans le corridor, on ouvrait et on fermait avec violence les trois portes de fer, on parlait en criant.

— Ah ! si j’avais des armes ! s’écria Fabrice ; on me les a fait rendre pour me permettre d’entrer. Sans doute ils viennent pour m’achever ! Adieu, ma Clélia, je bénis ma mort puisqu’elle a été l’occasion de mon bonheur. Clélia l’embrassa et lui donna un petit poignard à manche d’ivoire, dont la lame n’était guère plus longue que celle d’un canif.

— Ne te laisse pas tuer, lui dit-elle, et défends-toi jusqu’au dernier moment ; si mon oncle l’abbé entend le bruit, il a du courage et de la vertu, il te sauvera ; je vais leur parler. En disant ces mots elle se précipita vers la porte.

— Si tu n’es pas tué, dit-elle avec exaltation, en tenant le verrou de la porte et tournant la tête de son côté, laisse-toi mourir de faim plutôt que de toucher à quoi que ce soit ! Porte ce pain toujours sur toi. Le bruit s’approchait ; Fabrice la saisit à bras-le-corps, prit sa place auprès de la porte, et ouvrant cette porte avec fureur, il se précipita sur l’escalier de bois de six marches. Il avait à la main le petit poignard à manche d’ivoire, et fut sur le point d’en percer le gilet du général Fontana, aide de camp du prince, qui recula bien vite, en s’écriant tout effrayé : — Mais je viens vous sauver, monsieur del Dongo !

Fabrice remonta les six marches, dit dans la