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chambre : Fontana vient me sauver ; puis, revenant près du général sur les marches de bois, s’expliqua froidement avec lui. Il le pria fort longuement de lui pardonner un premier mouvement de colère.

— On voulait m’empoisonner ; ce dîner qui est là devant moi, est empoisonné ; j’ai eu l’esprit de ne pas y toucher, mais je vous avouerai que ce procédé m’a choqué. En vous entendant monter, j’ai cru qu’on venait m’achever à coups de dague… Monsieur le général, je vous requiers d’ordonner que personne n’entre dans ma chambre : on ôterait le poison, et notre bon prince doit tout savoir.

Le général, fort pâle et tout interdit, transmit les ordres indiqués par Fabrice aux geôliers d’élite qui le suivaient : ces gens, tout penauds de voir le poison découvert, se hâtèrent de descendre ; ils prenaient les devants, en apparence, pour ne pas arrêter dans l’escalier si étroit l’aide de camp du prince ; et en effet pour se sauver et disparaître. Au grand étonnement du général Fontana, Fabrice s’arrêta un gros quart d’heure au petit escalier de fer autour de la colonne du rez-de-chaussée ; il voulait donner le temps à Clélia de se cacher au premier étage.

C’était la duchesse qui, après plusieurs démarches folles, était parvenue à faire envoyer le général Fontana à la citadelle ; elle y réussit par hasard. En quittant le comte Mosca aussi alarmé qu’elle, elle avait couru au palais. La princesse, qui avait