sera vous, madame la duchesse, qui déciderez des sommes que je pourrai dépenser chaque mois. La duchesse trouvait tous ces détails bien longs ; les dangers de Fabrice lui perçaient le cœur.
— Mais vous ne savez donc pas, mon prince, s’écria-t-elle, qu’en ce moment on empoisonne Fabrice dans votre citadelle ! Sauvez-le ! je crois tout.
L’arrangement de cette phrase était d’une maladresse complète. Au seul mot de poison, tout l’abandon, toute la bonne foi que ce pauvre prince moral apportait dans cette conversation disparurent en un clin d’œil ; la duchesse ne s’aperçut de cette maladresse que lorsqu’il n’était plus temps d’y remédier, et son désespoir fut augmenté, chose qu’elle croyait impossible. Si je n’eusse pas parlé de poison, se dit-elle, il m’accordait la liberté de Fabrice. Ô cher Fabrice ! ajouta-t-elle, il est donc écrit que c’est moi qui dois te percer le cœur par mes sottises !
La duchesse eut besoin de beaucoup de temps et de coquetteries pour faire revenir le prince à ses propos d’amour passionné ; mais il resta profondément effarouché. C’était son esprit seul qui parlait ; son âme avait été glacée par l’idée du poison d’abord, et ensuite par cette autre idée, aussi désobligeante que la première était terrible : On administre du poison dans mes États, et cela sans me le dire ! Rassi veut donc me déshonorer aux