Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/373

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— Ah çà, mon ami, parlons en hommes : puis-je vous être bon à quelque chose ? Vous ne devez point redouter de questions de ma part ; mais enfin l’argent peut-il vous être utile, le pouvoir peut-il vous servir ? Parlez, je suis à vos ordres : si vous aimez mieux écrire, écrivez-moi.

Fabrice l’embrassa tendrement et parla du tableau.

— Votre conduite est le chef-d’œuvre de la plus fine politique, lui dit le comte en revenant au ton léger de la conversation ; vous vous ménagez un avenir fort agréable : le prince vous respecte, le peuple vous vénère, votre petit habit noir râpé fait passer de mauvaises nuits à monsignor Landriani. J’ai quelque habitude des affaires, et je puis vous jurer que je ne saurais quel conseil vous donner pour perfectionner ce que je vois. Votre premier pas dans le monde à vingt-cinq ans vous fait atteindre à la perfection. On parle beaucoup de vous à la cour ; et savez-vous à quoi vous devez cette distinction unique à votre âge ? au petit habit noir râpé. La duchesse et moi nous disposons, comme vous le savez, de l’ancienne maison de Pétrarque sur cette belle colline au milieu de la forêt, aux environs du Pô : si jamais vous êtes las des petits mauvais procédés de l’envie, j’ai pensé que vous pourriez être le successeur de Pétrarque dont le renom augmentera le vôtre. Le comte se mettait l’esprit à la torture pour faire naître un