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— Ces maux de tête excessifs, quand je les contrarie, comme ce soir, dit-il au général des frères mineurs, finissent par des accès de larmes qui pourraient donner pâture à la médisance dans un homme de notre état ; ainsi, je prie votre révérence illustrissime de permettre que je pleure en la regardant, et de n’y pas faire autrement attention.

— Notre père provincial de Catanzara est atteint de la même incommodité, dit le général des mineurs ; et il commença à voix basse une histoire infinie.

Le ridicule de cette histoire, qui avait amené le détail des repas du soir de ce père provincial, fit sourire Fabrice, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps ; mais bientôt il cessa d’écouter le général des mineurs. Mme P… chantait, avec un talent divin, un air de Pergolèze (la princesse aimait la musique surannée). Il se fit un petit bruit à trois pas de Fabrice ; pour la première fois de la soirée il détourna les yeux. Le fauteuil qui venait d’occasionner ce petit craquement sur le parquet était occupé par la marquise Crescenzi, dont les yeux remplis de larmes rencontrèrent en plein ceux de Fabrice, qui n’étaient guère en meilleur état. La marquise baissa la tête ; Fabrice continua à la regarder quelques secondes : il faisait connaissance avec cette tête chargée de diamants ; mais son regard exprimait la colère et le dédain.