Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 375 —

Fabrice avait quelque connaissance des hommes, mais aucune expérience des passions, sans quoi il se fût dit que ce plaisir d’un moment, auquel il allait céder, rendrait inutiles tous les efforts qu’il faisait depuis deux mois pour oublier Clélia.

Cette pauvre femme n’était venue à cette fête que forcée par son mari ; elle voulait du moins se retirer après une demi-heure, sous prétexte de santé, mais le marquis lui déclara que, faire avancer sa voiture pour partir, quand beaucoup de voitures arrivaient encore, serait une chose tout à fait hors d’usage, et qui pourrait même être interprétée comme une critique indirecte de la fête donnée par la princesse.

— En ma qualité de chevalier d’honneur, ajouta le marquis, je dois me tenir dans le salon aux ordres de la princesse, jusqu’à ce que tout le monde soit sorti : il peut y avoir et il y aura sans doute des ordres à donner aux gens, ils sont si négligents ! Et voulez-vous qu’un simple écuyer de la princesse usurpe cet honneur ?

Clélia se résigna ; elle n’avait pas vu Fabrice ; elle espérait encore qu’il ne serait pas venu à cette fête. Mais au moment où le concert allait commencer, la princesse ayant permis aux dames de s’asseoir, Clélia, fort peu alerte pour ces sortes de choses, se laissa ravir les meilleures places auprès de la princesse, et fut obligée de venir chercher un fauteuil au fond de la salle, jusque dans