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préparatifs de départ que l’on faisait au palais Sanseverina ; et son valet de chambre français, qui croyait peu à la vertu des grandes dames, lui donna du courage à l’égard de la duchesse. Ernest V se permit une démarche qui fut sévèrement blâmée par la princesse et par tous les gens sensés de la cour ; le peuple y vit le sceau de la faveur étonnante dont jouissait la duchesse. Le prince vint la voir dans son palais.

— Vous partez, lui dit-il d’un ton sérieux qui parut odieux à la duchesse, vous partez ; vous allez me trahir et manquer à vos serments ! Et pourtant, si j’eusse tardé dix minutes à vous accorder la grâce de Fabrice, il était mort ! Et vous me laissez malheureux ! et sans vos serments je n’eusse jamais eu le courage de vous aimer comme je fais ! Vous n’avez donc pas d’honneur !

— Réfléchissez mûrement, mon prince. Dans toute votre vie y a-t-il eu d’espace égal en bonheur aux quatre mois qui viennent de s’écouler ? Votre gloire comme souverain, et, j’ose le croire, votre bonheur comme homme aimable, ne se sont jamais élevés à ce point. Voici le traité que je vous propose ; si vous daignez y consentir, je ne serai pas votre maîtresse pour un instant fugitif, et en vertu d’un serment extorqué par la peur, mais je consacrerai tous les instants de ma vie à faire votre félicité, je serai toujours ce que j’ai été depuis quatre mois, et peut-être l’amour viendra-t-il cou-