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ronner l’amitié. Je ne jurerais pas du contraire.

— Eh bien ! dit le prince ravi, prenez un autre rôle, soyez plus encore : régnez à la fois sur moi et sur mes États, soyez mon premier ministre ; je vous offre un mariage tel qu’il est permis par les tristes convenances de mon rang ; nous en avons un exemple près de nous : le roi de Naples vient d’épouser la duchesse de Partana. Je vous offre tout ce que je puis faire, un mariage du même genre. Je vais ajouter une idée de triste politique pour vous montrer que je ne suis plus un enfant, et que j’ai réfléchi à tout. Je ne vous ferai point valoir la condition que je m’impose d’être le dernier souverain de ma race, le chagrin de voir de mon vivant les grandes puissances disposer de ma succession ; je bénis ces désagréments fort réels, puisqu’ils m’offrent un moyen de plus de vous prouver mon estime et ma passion.

La duchesse n’hésita pas un instant ; le prince l’ennuyait, et le comte lui semblait parfaitement aimable ; il n’y avait au monde qu’un homme qu’on pût lui préférer. D’ailleurs elle régnait sur le comte, et le prince, dominé par les exigences de son rang, eût plus ou moins régné sur elle. Et puis, il pouvait devenir inconstant et prendre des maîtresses ; la différence d’âge semblerait, dans peu d’années, lui en donner le droit.

Dès le premier instant, la perspective de s’ennuyer avait décidé de tout ; toutefois la duchesse, qui