Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 386 —

voulait être charmante, demanda la permission de réfléchir.

Il serait trop long de rapporter ici les tournures de phrases presque tendres et les termes infiniment gracieux dans lesquels elle sut envelopper son refus. Le prince se mit en colère ; il voyait tout son bonheur lui échapper. Que devenir après que la duchesse aurait quitté sa cour ? D’ailleurs, quelle humiliation d’être refusé ! Enfin, qu’est-ce que va me dire mon valet de chambre français quand je lui conterai ma défaite ?

La duchesse eut l’art de calmer le prince, et de ramener peu à peu la négociation à ses véritables termes.

— Si votre altesse daigne consentir à ne point presser l’effet d’une promesse fatale, et horrible à mes yeux, comme me faisant encourir mon propre mépris, je passerai ma vie à sa cour, et cette cour sera toujours ce qu’elle a été cet hiver ; tous mes instants seront consacrés à contribuer à son bonheur comme homme, et à sa gloire comme souverain. Si elle exige que j’obéisse à mon serment, elle aura flétri le reste de ma vie, et à l’instant elle me verra quitter ses États pour n’y jamais rentrer. Le jour où j’aurai perdu l’honneur sera aussi le dernier jour où je vous verrai.

Mais le prince était obstiné comme les êtres pusillanimes ; d’ailleurs son orgueil d’homme et de souverain était irrité du refus de sa main ; il pensait