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Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/40

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— Je ne puis, dit Fabrice souriant amèrement ; je me trouve hors d’état d’obéir aux ordres de monsieur, les menottes m’en empêchent !

— Quoi ! s’écria le général d’un air naïf, le prisonnier a des menottes ! dans l’intérieur de la forteresse ! cela est contre les règlements, il faut un ordre ad hoc ; ôtez-lui les menottes.

Fabrice le regarda. Voilà un plaisant jésuite ! pensa-t-il ; il y a une heure qu’il me voit ces menottes qui me gênent horriblement, et il fait l’étonné !

Les menottes furent ôtées par les gendarmes ; ils venaient d’apprendre que Fabrice était neveu de la duchesse Sanseverina, et se hâtèrent de lui montrer une politesse mielleuse qui faisait contraste avec la grossièreté du commis ; celui-ci en parut piqué et dit à Fabrice qui restait immobile :

— Allons donc ! dépêchons ! montrez-nous ces égratignures que vous avez reçues du pauvre Giletti, lors de l’assassinat. D’un saut, Fabrice s’élança sur le commis, et lui donna un soufflet tel, que le Barbone tomba de sa chaise sur les jambes du général. Les gendarmes s’emparèrent des bras de Fabrice qui restait immobile ; le général lui-même et deux gendarmes qui étaient à ses côtés se hâtèrent de relever le commis dont la figure saignait abondamment. Deux gendarmes plus éloignés coururent fermer la porte du bureau, dans l’idée que le prisonnier cherchait à s’évader.