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reux dont il fallait prendre pitié, tant sa pâleur était extrême. Quelques minutes après les phrases d’excuses par lesquelles il avait commencé son discours, on s’aperçut qu’il était hors de son assiette ordinaire : on le trouvait ce soir-là d’une tristesse plus profonde et plus tendre encore que de coutume. Une fois on lui vit les larmes aux yeux : à l’instant il s’éleva dans l’auditoire un sanglot général et si bruyant, que le sermon en fut tout à fait interrompu.

Cette première interruption fut suivie de dix autres ; on poussait des cris d’admiration, il y avait des éclats de larmes ; on entendait à chaque instant des cris tels que : Ah ! sainte Madone ! Ah ! grand Dieu ! L’émotion était si générale et si invincible dans ce public d’élite, que personne n’avait honte de pousser des cris, et les gens qui y étaient entraînés ne semblaient point ridicules à leurs voisins.

Au repos qu’il est d’usage de prendre au milieu du sermon, on dit à Fabrice qu’il n’était resté absolument personne au spectacle ; une seule dame se voyait encore dans sa loge, la marquise Crescenzi. Pendant ce moment de repos on entendit tout à coup beaucoup de bruit dans la salle : c’étaient les fidèles qui votaient une statue à M. le coadjuteur. Son succès dans la seconde partie du discours fut tellement fou et mondain, les élans de contrition chrétienne furent tellement