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remplacés par des cris d’admiration tout à fait profanes, qu’il crut devoir adresser, en quittant la chaire, une sorte de réprimande aux auditeurs. Sur quoi tous sortirent à la fois avec un mouvement qui avait quelque chose de singulier et de compassé ; et, en arrivant à la rue, tous se mettaient à applaudir avec fureur et à crier : È viva del Dongo !

Fabrice consulta sa montre avec précipitation, et courut à une petite fenêtre grillée qui éclairait l’étroit passage de l’orgue à l’intérieur du couvent. Par politesse envers la foule incroyable et insolite qui remplissait la rue, le suisse du palais Crescenzi avait placé une douzaine de torches dans ces mains de fer que l’on voit sortir des murs de face des palais bâtis au moyen âge. Après quelques minutes, et longtemps avant que les cris eussent cessé, l’événement que Fabrice attendait avec tant d’anxiété arriva : la voiture de la marquise, revenant du spectacle, parut dans la rue ; le cocher fut obligé de s’arrêter, et ce ne fut qu’au plus petit pas, et à force de cris, que la voiture put gagner la porte.

La marquise avait été touchée de la musique sublime, comme le sont les cœurs malheureux, mais bien plus encore de la solitude parfaite du spectacle lorsqu’elle en apprit la cause. Au milieu du second acte, et le ténor admirable étant en scène, les gens même du parterre avaient tout à