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drissement du rhume du souverain, ou de la dernière caisse de minéralogie qu’il avait reçue de Saxe. Si après cela on ne manquait pas à la messe un seul jour de l’année, si l’on pouvait compter au nombre de ses amis intimes deux ou trois gros moines, le prince daignait vous adresser une fois la parole tous les ans, quinze jours avant ou quinze jours après le premier janvier, ce qui vous donnait un grand relief dans votre paroisse, et le percepteur des contributions n’osait pas trop vous vexer si vous étiez en retard sur la somme annuelle de cent francs à laquelle étaient imposées vos petites propriétés.

M. Gonzo était un pauvre hère de cette sorte, fort noble, qui, outre qu’il possédait quelque petit bien, avait obtenu par le crédit du marquis Crescenzi une place magnifique, rapportant 1150 francs par an. Cet homme eût pu dîner chez lui, mais il avait une passion : il n’était à son aise et heureux que lorsqu’il se trouvait dans le salon de quelque grand personnage qui lui dît de temps à autre : Taisez-vous, Gonzo, vous n’êtes qu’un sot. Ce jugement était dicté par l’humeur, car Gonzo avait presque toujours plus d’esprit que le grand personnage. Il parlait à propos de tout et avec assez de grâce : de plus, il était prêt à changer d’opinion sur une grimace du maître de la maison. À vrai dire, quoique d’une adresse profonde pour ses intérêts, il n’avait pas une idée, et quand le prince