Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/413

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 409 —

n’était pas enrhumé, il était quelquefois embarrassé au moment d’entrer dans un salon.

Ce qui dans Parme avait valu une réputation à Gonzo, c’était un magnifique chapeau à trois cornes, garni d’une plume noire un peu délabrée, qu’il mettait, même en frac ; mais il fallait voir la façon dont il portait cette plume, soit sur la tête, soit à la main ; là étaient le talent et l’importance. Il s’informait avec une anxiété véritable de l’état de santé du petit chien de la marquise, et si le feu eût pris au palais Crescenzi, il eût exposé sa vie pour sauver un de ces beaux fauteuils de brocart d’or, qui depuis tant d’années accrochaient sa culotte de soie noire, quand par hasard il osait s’y asseoir un instant.

Sept ou huit personnages de cette espèce arrivaient tous les soirs à sept heures dans le salon de la marquise Crescenzi. À peine assis, un laquais magnifiquement vêtu d’une livrée jonquille toute couverte de galons d’argent, ainsi que la veste rouge qui en complétait la magnificence, venait prendre les chapeaux et les cannes des pauvres diables. Il était immédiatement suivi d’un valet de chambre apportant une tasse de café infiniment petite, soutenue par un pied d’argent en filigrane ; et toutes les demi-heures un maître d’hôtel, portant épée et habit magnifique à la française, venait offrir des glaces.

Une demi-heure après les petits courtisans râ-