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role au Gonzo. Charmé de ce succès, celui-ci retrouva toute son éloquence, et se fit un plaisir, non moins qu’un devoir, d’entrer avec elle dans des détails infinis.

La petite Anetta Marini donnait jusqu’à un sequin par place qu’on lui retenait au sermon ; elle arrivait toujours avec deux de ses tantes et l’ancien caissier de son père. Ces places, qu’elle faisait garder dès la veille, étaient choisies en général presque vis-à-vis la chaire, mais un peu du côté du grand autel, car elle avait remarqué que le coadjuteur se tournait souvent vers l’autel. Or, ce que le public avait remarqué aussi, c’est que non rarement les yeux si parlants du jeune prédicateur s’arrêtaient avec complaisance sur la jeune héritière, cette beauté si piquante ; et apparemment avec quelque attention, car, dès qu’il avait les yeux fixés sur elle, son sermon devenait savant ; les citations y abondaient, l’on n’y trouvait plus de ces mouvements qui partent du cœur ; et les dames, pour qui l’intérêt cessait presque aussitôt, se mettaient à regarder la Marini et à en médire.

Clélia se fit répéter jusqu’à trois fois tous ces détails singuliers. À la troisième, elle devint fort rêveuse ; elle calculait qu’il y avait justement quatorze mois qu’elle n’avait vu Fabrice. Y aurait-il un bien grand mal, se disait-elle, à passer une heure dans une église, non pour voir Fabrice, mais pour entendre un prédicateur célèbre ? D’ail-