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avait le plaisir de dîner avec lui, il mangeait deux fois davantage. Gonzo ne comprit pas, et se mit à décrire une magnifique galerie de tableaux que formait la marquise Balbi, la maîtresse du feu prince ; trois ou quatre fois il parla de Hayez, avec l’accent plein de lenteur de l’admiration la plus profonde. Le marquis se disait : Bon ! il va arriver enfin au portrait commandé par la petite Marini ! Mais c’est ce que Gonzo n’avait garde de faire. Cinq heures sonnèrent, ce qui donna beaucoup d’humeur au marquis, qui était accoutumé à monter en voiture à cinq heures et demie, après sa sieste, pour aller au Corso.

— Voilà comment vous êtes, avec vos bêtises ! dit-il grossièrement au Gonzo ; vous me ferez arriver au Corso après la princesse, dont je suis le chevalier d’honneur, et qui peut avoir des ordres à me donner. Allons ! dépêchez ! dites-moi en peu de paroles, si vous le pouvez, ce que c’est que ces prétendus amours de monseigneur le coadjuteur ?

Mais le Gonzo voulait réserver ce récit pour l’oreille de la marquise, qui l’avait invité à dîner ; il dépêcha donc, en fort peu de mots, l’histoire réclamée, et le marquis, à moitié endormi, courut faire sa sieste. Le Gonzo prit une tout autre manière avec la pauvre marquise. Elle était restée tellement jeune et naïve au milieu de sa haute fortune, qu’elle crut devoir réparer la grossièreté avec laquelle le marquis venait d’adresser la pa-