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L’enfant, retenu au lit plus qu’il ne fallait pour sa santé, devint réellement malade. Comment dire au médecin la cause de ce mal ? Déchirée par deux intérêts si contraires et si chers, Clélia fut sur le point de perdre la raison. Fallait-il consentir à une guérison apparente, et sacrifier ainsi tout le fruit d’une feinte si longue et si pénible ? Fabrice, de son côté, ne pouvait ni se pardonner la violence qu’il exerçait sur le cœur de son amie, ni renoncer à son projet. Il avait trouvé le moyen d’être introduit toutes les nuits auprès de l’enfant malade, ce qui avait amené une autre complication. La marquise venait soigner son fils, et quelquefois Fabrice était obligé de la voir à la clarté des bougies, ce qui semblait au pauvre cœur malade de Clélia un péché horrible et qui présageait la mort de Sandrino. C’était en vain que les casuistes les plus célèbres, consultés sur l’obéissance à un vœu, dans le cas où l’accomplissement en serait évidemment nuisible, avaient répondu que le vœu ne pouvait être considéré comme rompu d’une façon criminelle, tant que la personne engagée par une promesse envers la Divinité s’abstenait non pour un vain plaisir des sens, mais pour ne pas causer un mal évident. La marquise n’en fut pas moins au désespoir, et Fabrice vit le moment où son idée bizarre allait amener la mort de Clélia et celle de son fils.

Il eut recours à son ami intime, le comte Mosca,